Témoignage n°3 - Deux années à Rangiroa en famille (Tuamotu)

Ce témoignage est anonyme et partagé dans un esprit de partage et sans tabou. Chaque expérience est unique, et mérite d’être entendue et transmise. Merci pour votre bienveillance à la lecture de ce retour : il ne s’agit pas d’une vérité absolue mais d’un vécu personnel, sincère, riche d’enseignements.

L’arrivée et l’installation

Nous sommes arrivés à Rangiroa en août 2023. Grâce à un collègue déjà sur place, nous avons pu obtenir une maison en location, située face au lagon, une belle surprise. Elle était simple mais confortable. La caisse maritime est arrivée un mois plus tard. Nous avons aussi trouvé une voiture localement.

Je suis venu en famille avec mon épouse, soignante en métropole, et nos deux filles scolarisées en 3e et 4e. Elles ont été scolarisées au collège de Rangiroa.

Vie quotidienne : courses, soins, organisation

Il n’y a pas de grandes surfaces, les magasins sont sommaires et chers. On trouve de tout, mais pas en grande quantité. Les fruits et légumes manquent, et nous avions un plan pour commander aux Marquises via l’Aranui (livraison mensuelle). On commandait aussi depuis Tahiti, avec livraisons régulières par bateaux de ravitaillement.

Côté soins, il y a un dispensaire, un médecin libéral, une dentiste et un infirmier. Les soins sont accessibles, sans trop de difficultés.

Déplacements et isolement

Les déplacements inter-îles sont contraints : il faut souvent repasser par Papeete pour aller ailleurs au sein du même archipel. Je me rendais deux fois par semaine au CETAD en traversant la passe de Tiputa en bateau.

L’expérience des EVASAN

Durant notre séjour, un membre de la famille a été confronté à un problème de santé sérieux, nécessitant de nombreuses évacuations sanitaires (EVASAN) vers Tahiti. La gestion des soins à distance s’est révélée particulièrement complexe.

Par ailleurs, la scolarisation au lycée de l’un de nos enfants sur Tahiti a impliqué des déplacements réguliers et l'organisation d’un internat. La perspective d’une nouvelle scolarisation à Tahiti pour notre seconde a motivé une demande de mutation afin de réunir la famille et faciliter la logistique du quotidien.

Adaptation personnelle et familiale

L’adaptation a été progressive. Mes filles ont rencontré des difficultés au début (collège compliqué, isolement), mais ont fait preuve d'une grande adaptabilité. La danse tahitienne a aidé à créer du lien. En tant que musicien, j’ai tissé des liens forts avec des voisins polynésiens, notamment grâce à la musique. J’ai finalement noué davantage de relations avec la population locale qu’avec les collègues, car beaucoup sont malheureusement repartis.

Conditions de travail et réalités pédagogiques

Les élèves sont internes, souvent venus d’autres atolls (Makatea, Fakarava, etc.), parfois pieds nus, sans matériel scolaire, et ils sont "fiu" . Les conditions d’internat sont très dures. Il existe un isolement professionnel, en particulier quand on quitte une équipe soudée en métropole. Je n’ai pas retrouvé le même esprit d’entraide. Au collège, les affinités ou tensions prennent vite de l’ampleur car tout le monde se croise souvent.

Conseils pratiques pour les futurs arrivants

• Évaluer sérieusement la possibilité pour le ou la conjointe de mettre sa carrière entre parenthèses.

• Pour les enfants en âge collège/lycée, anticiper les questions d’internat à Tahiti.

• Prévoir des ressources culturelles (livres, jeux, etc.) car il n’y a pas de librairie.

• Trouver une activité de ressourcement personnel (sport, musique, etc.).

• Penser à l’équilibre familial : c’est une aventure qui peut renforcer ou fragiliser un couple/famille.

Bilan personnel

Cette expérience fut une aventure familiale et humaine très forte. J’ai vu mes filles se révéler, s’ouvrir, grandir. Ce fut enrichissant culturellement. Même les épreuves (maladie, isolement) ont renforcé notre unité familiale. Je referais ce choix, malgré les vingt EVASAN. Mais ce n’est pas une aventure à prendre à la légère. Elle ne convient pas à tout le monde.

💬 Merci encore à ce collègue pour sa confiance et ce partage d'expérience précieux. Si vous aussi vous voulez témoigner ou partager votre expérience, n’hésitez pas à m’envoyer un MP sur Facebook, un mail, ou un message via le tchat du site.